lundi, juin 28, 2004

C.O.223 Comme une mouche qui s'obstine à foncer dans la fenêtre, toujours droit devant, qui s'entête à se cogner, le plus violemment possible (au cas où, et elle le croit sans doute cette conne, elle pulvériserait l'épaisseur du verre), elle prend de l'élan en plus pour s'exploser la tronche contre la vitre, alors que la sortie, la délivrance, le monde extérieur, la liberté n'est qu'à quelques centimètres, mais plus à droite. Juste là, à droite. Malgré ses yeux qui font tout le tour de la tête, la mouche, elle, ne voit rien. Peut-être qu'elle ne veut volontairement rien voir. Elle veut qu'on l'aide. Elle veut que quelqu'un ait pitié d'elle, et la guide, vers ce un peu plus à droite. Si possible en lui parlant gentiment. Mais c'est le risque. Elle tombera peut-être sur quelqu'un qui l'aidera. Ou alors sur quelqu'un qui la chassera, un peu dégouté de se faire envahir par un truc pareil. L'objectif sera tout de même atteint, elle sera sortie. Ou alors elle tombera sur quelqu'un qui ne verra en elle rien d'autre, qu'un truc qui emmerde, et qui ne mérite rien de plus qu'un coup de journal sur la gueule, qui avec force et violence, l'écrasera vulgairement, et la fera mourir collée au carreau dans une souffrance atroce, les boyaux à l'air. C'est quand même très con une mouche. Une fois dehors, elle chopera la première fenêtre ouverte sur sa route, s'infiltrera, fera le tour de la pièce, plus ou moins rapidement. Comme elle ne sait pas vraiment ce qu'elle veut, c'est pas de sa faute, c'est pour ça que, quand elle est dehors, elle veut absolument entrer, et une fois dedans, elle ne rêve que de sortir. C'est dur à suivre une mouche. Elle ira donc de nouveau, se coller contre la fenêtre. Avec ce bzzz bzzzz particulier. Qui touchera l'humain dans la pièce, ou l'exaspérera. Toujours ce même risque. Au moins la vie de la mouche est pleine de suspens. C'est quand même très con une mouche. Des fois, perdue, ou sonnée de s'être martelée la tête contre la fenêtre, enfin dehors, elle fait demi-tour cette conne. C'est compréhensible aussi. C'est très vaste dehors. Elle peut aller n'importe où. Elle est complètement libre. Si elle est en forme, elle foncera tout droit, à l'aventure. Si elle est fatiguée, elle rentrera se blottir au chaud dans sa merde. Et si elle a besoin de réconfort, si elle a peur, elle retournera vers la dernière fenêtre. De là où elle est sortie tant bien que mal. Mais maintenant qu'elle connait la sortie, ya plus de danger. Elle sait qu'il faut bien viser, c'est un peu plus sur la droite. Sauf que ya toujours un risque, sinon ce serait bien chiant une vie de mouche. Alors elle fait demi-tour, limite sûre d'elle, et elle fonce droit devant, sur la fenêtre. Et baaaam. Elle s'écrase la tronche. Elle s'acharne, va finir par s'exploser le crâne contre la fenêtre cette gourde. Petit détail auquel elle n'avait pas pensé, la fenêtre s'est fermée entre temps. Même en regardant un peu à droite ou à gauche, force est de constater que c'est bien fermé. Ou alors dedans, yaura quelqu'un d'autre. Quelqu'un, qui contrairement à la première fois, ne l'aidera pas à sortir, et lui enverra une godasse dans la tronche. Ou alors dedans, yaura ptêtre bien la même personne, mais qui, attendri la première fois, a bien voulu l'aider à sortir. Sauf que la deuxième fois, ça commence à être lourd. La gentillesse aussi a ses limites. C'est triste la vie d'une mouche. Elle a même pas conscience de l'heure tardive et que se pointer à son premier jour de boulot la tête défoncée, c'est pas le top. # posted by : A ton avis?.. 02:25